"Les pauvres sont devenus une cible !"

Le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté était présent, ce 26 novembre dernier, à la grande mobilisation portée par le front commun syndical, le monde associatif et de nombreuses composantes de la société civile. Une mobilisation massive et nécessaire pour dénoncer les mesures budgétaires décidées par le gouvernement Arizona et pour rappeler, une fois encore, que ces choix politiques ont des conséquences sociales lourdes, préoccupantes et déjà bien réelles pour une partie croissante de la population.

Suite à cette mobilisation, Christine Mahy, secrétaire générale et politique du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, a été interviewée par Annick Hovine pour le journal Le Soir. Il y était question de l’impact des mesures Arizona sur la classe moyenne, ainsi que de leurs conséquences pour celles et ceux qui vivent déjà dans la précarité, dont la situation risque de se dégrader encore davantage.

Pour Christine Mahy, la logique à l’œuvre est préoccupante : « On gère les gens comme des portefeuilles. Il faut qu’ils rapportent, sinon ils seront sanctionnés financièrement. Mais les humains ne sont pas des portefeuilles ».

Sur le terrain, les effets de ces décisions se traduisent par des situations humaines d’une grande violence. « On a rencontré un délégué syndical qui avait les larmes aux yeux. Un gars qui travaille très régulièrement en intérim dans son entreprise venait de recevoir sa lettre d’exclusion du chômage à partir de mars. Le délégué est allé trouver le patron en lui disant : “Allez, il travaille beaucoup ici, il faut lui faire un contrat.” Le patron de cette grosse boîte lui a répondu que c’était le gouvernement qui avait pris cette législation et que ça ne le regardait pas.« 

Ces situations s’inscrivent dans un contexte social qui pèse de plus en plus sur les personnes déjà fragilisées : « Ce haro sur les pauvres, sur les étrangers, sur ceux qui sont différents, sur les chômeurs, ça fait mal au ventre. Ça fait aussi très très peur. Je ne crie pas au loup. Je ne dis pas que les partis qui ont le pouvoir sont d’extrême droite. Mais des éléments liés à une pensée d’extrême droite apparaissent quand même de façon récurrente dans des propos, dans des actions, etc. C’est osé ».

Les conséquences ne sont pas seulement matérielles. Elles sont aussi psychologiques, sociales, existentielles. « Personnellement, ce qui m’inquiète le plus pour le moment, c’est la violence que les gens finissent par retourner contre eux-mêmes. Cela se manifeste par de la solitude, de l’enfermement chez soi et, même si je ne veux pas dramatiser, par des tentatives de suicide. En tant que chômeurs, ils sont sans cesse pointés du doigt dans un certain nombre de médias ».

À force d’être stigmatisées, certaines personnes finissent par intérioriser le discours dominant : « Les gens ne veulent plus rien. Ils se déconsidèrent. Ils se demandent : mais je sers encore à quoi ? J’ai encore de la valeur pour qui ? Est-ce que je ne suis qu’un bon à rien parce que je ne suis pas capable de parler le néerlandais et de faire 150 kilomètres pour aller travailler en Flandre le matin ? »

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